Ironman de Embrun

Compte rendu de Jean-Christophe:


(The Doors) This is then end, beautiful friend, this is the end …


Briançon, 15 août 2022, 13h26, km 116 de l´Embrunman. Inexorablement, mon avance sur la barrière horaire fond, il ne reste me que 8 minutes d'une marge préalablement à 57 minutes. Après 6h30 de course, je suis pourtant assez bien, alors maintenant il va falloir arrêter de gérer. Mais voilà, le vent souffle par rafales de 50 km/h de face et je n'y arrive pas. Aux Vignaux je serai mis hors course si ça continue comme ça. Je m'accroche pendant 15 km. Ouf ça passe mais pour la suite il n'y a plus d'espoir.

Les supporters sont là. C'est rageant mais bientôt j'arrive au mur de Pallon. Ma dizaine de supporters est là alors je fais bonne figure, grand sourire. Ils ont fait une longue route pour passer trois jours à Embrun. Je vais faire une belle montée et finir le vélo au mieux. Et puis j'imagine la centaine de followers sur les groupes WhatsApp, je vais faire mon mieux, juste mon mieux.

CR du Fonta. Alors je pense à mon compte rendu au club du Fontanil. Une bonne endurance, pas assez de puissance. J'avais cru bien préparer. Trois stages, 100.000 m de D+ depuis janvier, l´Alpsman, l´étape du tour, 17h d'effort par semaine. Probablement pas assez de fractionnés club le samedi matin au printemps.

Trop dur. Mais voilà, Embrunman est cruel pour les niveaux modestes. 188 km de vélo et 3800 de D+ mais aussi des descentes fatigantes, un Izoard, des bosses sans cesse et ces fichues barrières horaires qui stressent. Et le vent de face toute la journée car il tourne. J'aurais dû débuter le triathlon plus jeune.

Pourtant tout avait très bien commencé.

Embrun, 3h00 du matin. On prend un copieux petit déjeuner avec JB après une bonne nuit où je n'ai pas vraiment dormi. Mon frère Michel me demande ma stratégie. ´Si tout va bien, je nage en 1h30, puis je gère en vélo une demi heure d'avance sur les barrières, et le marathon c'est l'inconnu totale, je veux juste franchir la ligne avant la barre fatidique de 23h15, soit 17h30 de course´.

Une bonne natation. Se lancer dans la nuit sous une lune éclairant l´écrin de montagne avec une foule de spectateurs endiablés restera un souvenir inoubliable, c'est merveilleux. Deux boucles et je réussi même à faire ´coucou je suis là´ en gardant un bras levé pour que mes fans me repèrent au promontoire du camping. Trop drôle, ils se marrent. Et ça se passe comme prévu, 1h30, je suis content.

Un bon début de vélo. Le temps est frais. J'ai du mal à reprendre mon souffle au début du vélo qui grimpe sec. Il y a même un passage à 22%. Mais à Savines, au bout de 3h de course, j'ai 50 minutes d'avance. C'est plus que parfait, je vais me calmer un peu pour bien gérer. Mes supporters sont au rond-point d´Embrun, j'adore.

Première alerte. Au pied de l´Izoard, selon mes calculs je vais perdre la moitié de mon avance au sommet alors que mes sensations sont bonnes et je double pourtant des grimpeurs dans le dur. Au terme de 32 km d'ascension, je passe l´Izoard 25 minutes avant la barrière. Pain suédois, jambon, fromage, bananes, pommes de terre, dattes, figues, une gourde Punchpower kiwi, une citron, tout passe bien depuis ce matin. Je descends prudemment le grand col avec gants et coupe-vent et vous connaissez déjà la suite.

Et l’espoir renaît !

Mathématiques. Passé Pallon il reste 50 km, si j'arrête de perdre du temps ça pourrait tout juste le faire. Je partage mes craintes avec un concurrent qui lui calcule par rapport à l'arrivée à 17h15 et est très confiant. Moi aussi je calcule. Depuis ce matin je suis à 21 km/h et si je continue ainsi j'aurai en fait plus de 30 minutes d'avance.

L’erreur. En fait, seul Izoard et Vigneaux sont éliminatoires, les barrières aux villages sont indicatives et trompeuses. Je passe St Clément avec 3 minutes de marge mais pour de vrai je n'ai rien à craindre.

Gestion. Les jambes commencent à être très fatiguées alors je décide de calculer pour garder seulement le temps d'une crevaison comme marge. Puisque je vais courir, il va falloir récupérer. A la montée finale de Chalvet je monte tout tranquillement, je me laisse doubler, plus de stress. Depuis 14h il fait très très chaud. J'ai dédié une gourde pour m´arroser tête et jambes.

Plaisirs. Les paysages étaient époustouflants, heureusement ils s'impriment pendant la course pour un merveilleux souvenir car pendant l'effort je ne les ai pas savourés. Descente sur Embrun, route très raide, extrêmement sinueuse avec un revêtement pourri, mais quel plaisir de savourer cette étape réussi. Je vais pouvoir courir, je suis hyper content !

Fin du vélo avec une demi-heure d'avance.

Une arrivée triomphante. Sous les vivats d'une foule en délire je m'apprête à franchir la ligne d'arrivée ... euh à moins que les acclamations ne fussent pour le final de la deuxième féminine ... je crois que je dois poser mon vélo moi !

The show. Mes neveux hystériques sont à la transition et Éric à la caméra, alors je leur fait une transition en mode chippendale, le jury m'accorde un 10/10 de note artistique.

Terra incognita. Maintenant le marathon. 42,195 km, 400 mètres de dénivelé. Trois tours. C'est l'inconnu total. Mon premier Ironman était tout plat. Que me reste-t-il ?

Surprise. Pas de douleur, pas de courbatures, pas de menaces de crampes, ça part super bien, c'est même très agréable. Si je réussis à courir au moins un tour, je peux finir en marchant et être finisher. Première côte des Chamois, je prends l'option marche rapide et ça passe bien puis retrouve mon rythme de course facilement.

Chaleur. Il fait très chaud, je m'arrête tous les 2 km pour remplir une gourde d´Isostar et une de St Yorres. Côté estomac c'est juste parfait. Et je me vide un litre d'eau sur la tête à chaque fois.

Sauvons la planète. Bien sûr à la demande de la municipalité d´Embrun, je fais ma pose popo à la 13ème minutes car la végétation n'a plus reçu d'engrais depuis le passage de Ronan il y a douze mois. Que c'est vert ici.

Yessssss !!! Malgré les grimpes et les pauses boisson je boucle le premier tour à 9 km/h et je suis désormais sûr de finir. Et dire que cinq heures plus tôt à Briançon, je pensais que c'était perdu.

Et JB dans tout ça ? Ma seule crainte est de ne pas pouvoir savourer ma médaille si l'estomac, le dos ou le genou se JB ne tiennent pas. Je suis soulagé quand j'apprends qu'il caracole devant moi. Ça va être la fête.

Que du plaisir. Et puis c'est grisant, je double un coureur tous les 300 mètres. Surtout en montée où nombreux marchent doucement. Le deuxième tour est aussi rapide, je n'en reviens pas. Alors je me dis que je peux passer sous les 16h, même pas en rêve. La fraîcheur et la nuit tombent, j´allonge la foulée sur les 5 derniers kilomètres qui seront ma portion la plus rapide.

C’est fait !!! Et je retrouve JB et nos deux familles sur le tapis bleu, que du bonheur. La plus longue épreuve de ma vie se termine au bout de 15h41 de doute, d'euphorie, d'amusement, d'émotions. Je suis tout excité et j'ai tellement sécrété d'endomorphines que ne ressens aucune douleur ni fatigue ... ça ne durera sûrement pas !

2021. Malgré les rafales de vent et la chaleur sur cinq heures, cette édition a eu une météo relativement clémente par rapport à 2021, franchement je ne sais pas comment vous avez pu faire ça avec une canicule.

Swim. Au final, j'ai nagé en 1h31, 761ème, c'est modeste mais c'est moi slow motion ! Le maire de St Egrève à décidé d'ajouter une ligne d'eau à la piscine du Néron pour que puisse me joindre à vos entraînements faire la moitié du programme d´Alizée à mon train.

Bike. J'ai roulé en 9h09, 702ème, 6 minutes de mieux qu'à la reconnaissance du stage MyTribe avec longues pause et drafting. C'était une bonne gestion finalement.

Run. J'ai couru en 4h49, 455ème, alors même si je trottine très loin derrière vous aux stages, je ne lâcherai rien.

Transitions. Mes plus grosses performances sont bien sûr les transitions, en 412 et 366ème place. C'est le 48ème triathlon consécutif où je gagne des places sur chaque transition, Greg va me donner un demi-point de bonus au challenge club et j'entre au Livre Guinness des Records.

Viocs. Je suis 8ème sur les 27 concurrents de plus de 60 ans inscrits. Les 4 premiers étaient intouchables et j'aurais dû lâcher les chevaux plus tôt pour les trois autres. Cinq ans en arrière et auparavant, mon temps m'aurait valu des podiums mais les anciens vieillissent comme du bon Isostar millésimé. Je rejoins la bonne centaine de V5 finishers de l´Embrunman depuis sa création il y a 40 ans.

Je termine 586ème sur 925 engagés, remontant 175 places. Les barrières horaires sont tombées cruellement sur 43 concurrents tandis que 71 abandonnaient et au final 78% de finishers.

Mercis. Merci Philippe pour son WhatsApp fatal. Merci à Rémy pour son conseil de nous lancer. Merci aux champions de 2021 pour leur inspiration. Merci à Maëlle pour la PPG. Merci à Seb pour le stage. Merci à tous les compagnons de route. Merci à Bruno pour les lundis du printemps. Merci aux huit alpsmaniens. Merci à Simon pour le maillot Fontanil à 234.000 €. Merci JB.


Compte rendu de Jean-Baptiste:

Quelle aventure, que de souvenirs avec mon JC, sa famille, la mienne, quelle joie de passer cette ligne d'arrivée !

Ma préparation fut compliquée cette année.

Mes derniers triathlons remontent à l'IM de Nice et Paladru en équipe en Septembre 2021 où je pense que j'étais dans ma meilleure forme physique.

Cette année, une hernie discale puis un TFL un mois avant le d-day viennent perturber ma préparation et mon moral aussi...

Mais je sens que ca peut le faire, ca doit faire, le but est de franchir cette ligne avec JC qui se prépare depuis des mois tel un métronome stakhanoviste, je sais que j'aurais un plaisir fou et je compte sur l'euphorie de la course pour anesthésier ces douleurs.

Et puis partir en vacances juste avant avec femme et enfants me sollicitant pour faire VTT de descente, rando, et autres rafting, j'avoue que ce n'est pas la meilleure dernière ligne droite de préparation à faire ... Le 15 août mi septembre, ca sera mieux quand même !

On y est à ce 15 août.

Les dieux de la météo sont avec nous : gros orages la veille, pas de pluie ni de canicule annoncée, mais de bonnes chaleurs quand même (>30°). On va se régaler !

Promis : pas d'excès de pêches au ravito, il faut que mon estomac tiennent le + longtemps possible, j'espère que je serai moins cuit sur le vélo que lors de la reco mi juillet.

Palpitant à 120 à 5h58am, suis dans ma norme.

6h00 am : poiiiing !!!! C'est parti !!!!

quasi 1000 participants à s'élancer dans le noir, un goulet d'étranglement se forme rapidement, c'est la baston du triathlon, impossible de poser ma nage, je bois tasse sur tasse, je suis asphyxié en 3 min, je m'entends respirer de manière très aigüe, j'ai ce bruit assourdissant de l'eau qui m'impressionne, je crawl/brasse comme je peux mais je ne panique pas. Je me dis juste, qu'est-ce que je fous là !

Puis après 10 bonnes minutes je me calme, je pose enfin ma nage, et ça va mieux.

Je profite de ce levé de soleil sur le lac, avec cette brume à fleur d'eau, moment magique, unique, extraordinaire.

Je sors de l'eau en 1h20 pour boucler ces 3,8km, conforme à ma prévision.

Vélo ! C'est ce que je préfère.

188km et 3800m de d+, tout un programme.

Paysages grandioses des Hautes Alpes par les hauteurs du lac de Serre Ponçon, les gorges du Guil, la montée du col de l'Izoard, et les balcons de la Durance entre Briançon et Embrun.

Un vrai régal pour les yeux, mais moins pour les jambes car parcours tellement exigeant : pas réellement d'endroit pour se refaire la cerise, le timing des cut off impose de rouler assez fort, vent pleine face pendant les 70 derniers km avec drafting interdit bien entendu.

Je roule assez bien durant cette boucle autour du lac qui grimpe dès la sortie de l'eau. Pourtant je me fais doubler énormément, je suis surpris et me dis que j'en reverrai certain dans l'Izoard, peut être. Le fond de l'air est assez frais et je mets un peu de temps à me réchauffer alors je normalement je ne suis pas frileux.

Puis dans les gorges du Guil, après 3h de vélo un mal de tête soudain commence à arriver.

Qu'est ce que c'est que cette connerie et cette nouveauté ?? est-ce que c'est le neveu de JC qui m'a refiler sa gastro et qui est cloué dans son lit ce matin ? (bah non, j'aurai mal au ventre), est-ce que j'ai chopé un truc méconnu qui s'appelle le covid ? bah non, je ne me sens pas fiévreux, mais j'ai plutôt froid d'ailleurs... Pose pipi/barre et doliprane, j'ai peut être pris juste un petit coup de froid depuis le début. « Te poses pas trop de questions JB, la journée n'est pas fini… »

Montée de l’Izoard, elle se passe bien, je rattrape du monde, je ne m'enflamme pas.

J'arrive vers midi la haut, une bonne heure avant le cutt off, je me dis que c'est bon pour le vélo, ca va passer. J’espère que pour mon JC tout va bien ! Côté physique, je trouve que mes cuisseaux sont déjà lourds, plus qu’à la reco, alors que 100km ont été parcours et 2500m de d+ "uniquement" fait.

Et puis mon dos tient très bien, génial ! en revanche j'i mon genou qui me tire lance sournoisement vers l’intérieur dans la montée, une autre première, comment va se passer cette course à pied ?!...

Je gère ce retour vers Embrun plutôt bien me disant que cette partie c'est surtout au moral que ca peu piocher :

gros vent dans le nez, les 2km de la côte de Palon à 12%, la chaleur de l'après midi, et la fameuse côte chalvet à 10km de l'arrivée qui peut cisailler les jambes et fait sacrément mal au moral, et j’ai ce genou qui continue m'embêter.

Je sens également que mon estomac commence (déjà) à se rappeler à moi. Pourtant je n'ai fonctionné qu'en mode ravito perso, pas de pêches fraiches ingurgitées goulument, je pense assez avoir bu, assez manger, mais je n'ai pas encore trouvé la bonne recette.

Je croise la famille Jaravel, on me dit qu’il n’est pas loin et que tout va bien, génial !

Je termine le vélo en 8h38, 21,8km/h de moyenne, mieux que prévu, et très heureux !!


Il est 16h, reste plus qu'un marathon maintenant : 42km et 400m d+

Je sens que ça va être long. Lors de la transition, une jeune fille me propose un massage des cuisses, j’hésite, « rdv dans 5heures » lui dis-je. Car je sais que je vais beaucoup marcher.

Je commence à courir, les premiers kilomètres se passent franchement bien au niveau des jambes, je fais 9,5km en heure.

2 seuls hics :

  • mon genou : chaque descente m’envoie une décharge à chaque pas, sur le plat c’est guerre mieux, je me dis que je suis en train peut être de bien m’esquinter mais tant pis, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Corneille a dû faire l’Embrunman pour écrire cela, j’en suis sûr !

  • Et mon estomac : dès le début, je sens que je suis au bord du vomissement. Je décide de m’arrêter à tous les ravitos et de prendre uniquement une gorgée de coca+eau. J’essaye un gel au bout d’une heure, car il faut nourrir la machine, règle de base, mais j’ai un haut le coeur direct mais par miracle, tout reste au chaud !

Tant pis, il va falloir finir avec ce régime coca/eau pour les 4 prochaines heures… Chercher l’erreur à se dire une chose pareille… Là, le moral en prends quand même un coup et je me rends compte un peu plus dans quelle folie je me suis lancé.

L’ambiance de course est extraordinaire : 2000 bénévoles tout au long du parcours, des supporters, des badauds, des touristes qui nous acclament, nous motivent, qui nous appellent par notre prénom grâce au dossard. J’en ai jamais autant chié de ma vie et avec le sourire en plus, j’ai dû dire merci 1000 fois, un vrai moteur et une émotion unique.

Eric et la famille Jaravel venue en nombre est un soutien sans faille et qui fait un bien fou, ils me disent que mon JC n’est qu’à 30 min et que tout se passe bien pour lui, yessss !!

La nuit tombe, Eric me dit que Mélanie et les enfants m’attendent à la ligne d’arrivée. Je les aperçois enfin, l’émotion m’envahie, je les embrasse, mon aîné me dit qu’il peut franchir la ligne d’arrivée avec moi, fantastique ! je boucle ce marathon en 5h02, et conclu cet Embrun man pour un total de 15h13 minutes.

Je suis exténué mais heureux, atteint physiquement mais complètement shootés aux endorphines, que du bonheur et je sais que mon JC est juste derrière, on l’a fait !!!